Cinquième jour
Lortet => Sarlabous
– 21 km environ

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Réveil génial. Au chaud, reposée, beau temps piquant (7°, mieux que les jours précédents !), le son de la rivière sous mon balcon. Petit déj face cheminée, déjà il faut s’arracher de la vue hypnotique des flammes.
L’hôtelier me dépanne d’une flûte entière qui me tiendra plusieurs jours, grâces à lui, car l’épicerie prévue à Lortet n’existe pas.

Sortir de ce chouette endroit est moins simple, les balises se planquent, et une dame, depuis son balcon à elle, m’indique obligeamment et spontanément une direction complètement fausse. Je me rabiboche vite avec le « sens de la marche », et m’engage dans un bois suivi de nombreux autres.
Dès la première descente je suis obligée de constater que mon genou est déjà douloureux à la flexion. Malgré bandage + traitement symptomatique de base (ibuprofène), il apparaît vite que j’ai besoin, vraiment, d’un bâton de marche.

Baguette magique ?

La Grande Mère, ou peut-être Démeter ou Yavanna ? Entend ma prière, quelques minutes plus tard, je vois LE bâton n’attendant que moi dans ce bois charmant. Long, droit, sec, propre, torsadé dans un lierre, amoureux ancien, ils ont poussé en même temps. J’ôte le lierre, et voici un magnifique bâton spiralé, un vrai truc de magicienne. D’ailleurs ça marche (ah ah), ça soulage réellement. Après examen j’ai un début d’hydarthrose (et risque de tendinite du calcanéen associée, je le crains).

Première pause à Labastide, bourgade à l’aquarelle, gris clair et paisible. Soleil, ruisseau, lavoir.
Je poursuis par d’autres bois et collines vers Esparros, où l’averse me prend ainsi que l’envie brusque de déjeuner sous le porche d’une villa aux fenêtres closes.
Mon portable capte, ici, et entre deux chips je reçois les messages de proches super inquiets, j’en envoie quelques uns pour rassurer. J’ai un peu honte d’avoir fait flipper, j’ai fait preuve de maladresse dans ma préparation.

L’après-midi est une alternance de soleil, de vent, de crachin, de soleil, temps indécidable et changeant. De même mon humeur. Puis montée très agréable du Col des Palomières, où la vue sur les vallées est somptueuse. Les hauts sapins, les lumières, tout est vraiment beau ici, je ne laisserai pas mes petites articulations gâcher ce plaisir tellurique, aérien.

La fin de journée s’allonge le long d’un sentier de gros ruisseau assez boueux, proche de la route, et enfin, à nouveau sous la pluie, sur les rives de l’Arros, j’atteins le gîte. Accueil gentillet mais formalités très longues, et c’est pas la bonne clef, et j’ai pas la monnaie, etc, et c’est fou comme on se déshabitue vite des trucs pénibles.
Bref, je prends mes quartiers dans un gîte immense au Moulin des Baronnies, près de Sarlabous (plus de 20 places, une salle commune énorme, une cuisine de chef) pour moi seule, lave moi, cheveux, linge, vaisselle. (je n’ai volontairement emporté que deux T-shirts et deux séries de sous-vêtements, donc lessive au savon d’Alep quotidienne ^^).

Le silence n’est pas le même dans ce dit moulin. Il est bizarre. Les lieux sont trop vastes, peut-être. Au point que je piétine (réflexe) tous mes beaux principes et meuble mes oreilles avec cette chose nommée TV. Je m’allonge dans une chambre propre et laide, comme une chambre de garde.
Cet endroit est assez classe, très confortable, pourtant il y a un truc, de mauvaises ondes, je ne sais pas. Cela dit, je remercie ma boussole et la chance de ne pas m’être perdue plus que ça aujourd’hui !

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La perte du jour : l’espoir de me ravitailler dans une épicerie. Chercher à toujours me remplir (de pain, de bruit, d’un autrui qui m’aime et me suive).

La loufoquerie du jour : un reportage sur la reine d’Angleterre, dans le plus pur ton M6 ou TF1, je ne sais plus. Décalage spatiotemporel assuré.

* * * * * La suite ensuite * * * * *